sous la pluie étrangère – III

III

Je ne vais pas avoir honte de mes tristesses, de mes nostalgies. Je regrette la petite rue où on a tué mon chien, et j’ai pleuré près de sa mort, et je suis collé au pavé sanglant où mon chien est mort, j’existe toujours à partir de ça, j’existe de ça, je suis ça, je ne demanderai la permission à personne d’avoir la nostalgie de ça.
Suis-je autre chose, peut-être ? Des dictatures militaires sont venues, des gouvernements civils et de nouvelles dictatures militaires, ils m’ont privé de mes livres, de mon pain, de mon fils, ils ont fait le désespoir de ma mère, ils m’ont chassé de mon pays, ils ont assassiné mes petits frères, mes camarades ils les ont torturés, déchiquetés, brisés. Personne ne m’a chassé de la rue où je pleure à côté de mon chien. Quelle dictature militaire pourrait le faire ? Et quel militaire fils de pute m’arrachera au grand amour de ces crépuscules de mai, où l’oiseau de l’être se balance face à la nuit ?
Mon pays n’était pas parfait avant le putsch militaire. Mais il était mon lieu, les jours où j’ai tremblé contre les murs de l’amour, les jours où j’ai été enfant, chien, homme, les jours où j’ai aimé, on m’a aimé. Aucun général ne va rien arracher de tout ça au pays, à la douce terre que j’ai arrosée avec peu ou beaucoup d’amour, cette terre que je regrette tant et qui tant me regrette, cette terre que rien de militaire ne pourra me salir ou salir.
Il est juste que je la regrette. Car nous nous sommes toujours aimés comme ça : elle réclamant plus de moi et moi d’elle, tous deux meurtris par la douleur que l’un causait à l’autre, et forts de l’amour que nous nous portons.
Je t’aime, patrie, et tu m’aimes. Dans cet amour nous consumons imperfections et vies.

 

Poema publicado en el libro sous la pluie étrangère
Traducido por Jacques Ancet

Texto original.

 

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About Laura Branchini

Traductora al italiano de poesía y de la mayoria de los libros de Juan Gelman (Lettera a mia madre, Guanda 1999, Nel rovescio del mondo, Interlinea, 2003, Doveri dell'esilio, Interlinea, 2006, Valer la pena, Guanda, 2007, com/posizioni, Rayuela, 2011), es responsable de redacción para la sección de traducciones de este sitio, siendo fundadora del mismo junto al periodista argentino Ariel Milanesi. - Este sitio, autorizado directamente por el mismo poeta en el 2011, está enteramente dedicado a Juan Gelman, su poesía y trayectoria artística. La redacción destaca la imposibilidad de conectar a los lectores, ya sea directa o indirectamente, con los herederos de Juan Gelman. Por lo tanto, mientras sea ese el propósito de sus mensajes, les aconsejamos dirigirse a las editoriales que publican su obra. -- En el caso de que quisieran colaborar con nosotros publicando algo en este espacio web, les recomendamos que nos escriban por e-mail. Todo material recibido será evaluado por el comité editorial, el cual decidirá sobre su publicación y procederá a avisarles. Les rogamos que nos envíen sólo material propio (o sobre el cual posean los derechos necesarios para la publicación en este sitio) y que agreguen una nota en la que se autorice la redacción de juangelman.net para su publicación. Este sitio no tiene ánimo de lucro y todo el material publicado se encuentra distribuido de forma gratuita para la difusión de la obra de Juan Gelman. También para correcciones, derechos autoriales (hacia editores y fotógrafos) y otras pendencias, escriban a: gelmaniana@juangelman.net - Gracias a todos los que hacen posible la existencia de www.juangelman.net – Todo sobre la poesía de Juan Gelman
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